La mort n'est rien pour nous.

14 janv. 2025

 Pourquoi redoutons-nous tant la mort, alors qu’elle ne nous concerne pas lorsque nous sommes en vie et ne nous concernera plus une fois venue ?

La vision de Montaigne

 Lorsque j'ai décidé de lire de la philosophie, j'ai lu quelques livres très accessibles d'introduction à la philosophie. Parmi eux, la BD Philocomix m'a particulièrement plu. Le premier tome présente dix conceptions du bonheur selon dix philosophes différents, notamment Montaigne. J'ai donc été très intrigué par sa philosophie. Je me suis renseigné et j'ai lu qu'il écrivait ses pensées sur tous les sujets qui lui passaient par la tête : de l'amitié, en passant par les cannibales, allant jusqu'à l'éducation, il passait en revue un large panel de thèmes. Je me suis donc décidé à lire ses Essais, en commençant, bien entendu, par le Livre I.

 La citation de Montaigne qui m'a le plus touchée se situe donc dans le chapitre 20 ("Que philosopher, c'est apprendre à mourir") du Livre I des Essais, la voici :

Car pourquoi craindrions-nous de perdre une chose, laquelle perdue ne peut être regrettée.

 Je trouve cette citation absolument sublime. En effet, pourquoi craindre de perdre la vie tout en sachant que nous ne pourrons la regretter ? Nous ne serons plus là, plus conscients, pour avoir ce sentiment de regret. Peut-être cette affirmation a une tout autre signification pour une personne religieuse pensant qu'elle reposera au paradis à sa mort. Si nous pensons que notre vie sur Terre n'est que la première partie de notre vie entière, alors peut-être pourrions-nous avoir quelques regrets à notre mort, et même après notre mort. Personnellement, je suis athée, et tout comme Sénèque, je pense que les morts reposent là où reposent les êtres qui ne sont pas nés. Je parle ici de notre esprit, de notre conscience. Si nous sommes enterrés par exemple, bien sûr que notre corps repose dans un cimetière, mais nous ne sommes plus conscients, nous sommes simplement un corps, matériel, sans vie.

montaigne

Mourir en souffrant, une peur réelle 

 Je pense que ce que nous redoutons tout autant que la mort est la façon dont nous allons mourir. Nous avons peur de mourir en souffrant, nous avons peur de nous voir mourir. Ce court instant où nous allons passer d'un état de vie à un état de mort vaut-il la peine d'être anticipé durant des années ? Cela vaut-il le coup de penser à cet instant insignifiant durant toute notre existence ? Je pense que non. Comme le dit très bien Ovide :

La mort est un moindre supplice que l'attente de la mort.

La mort selon Épicure et Camus

 La vision d'Épicure est également très pertinente de mon point de vue. Il pense que la mort n'est rien pour nous car lorsque nous sommes en vie : nous vivons, la mort ne nous concerne donc pas. Une fois que nous sommes morts, la mort ne nous concerne plus : nous ne sommes pas là pour la constater. Dans Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus a une vision assez épicurienne de la mort :

C'est qu'en réalité, il n'y a pas d'expérience de la mort. Au sens propre, n'est expérimenté que ce qui a été vécu et rendu conscient.
albert camus

 Avec cette définition de l'expérience, comment pouvons-nous affirmer qu'il existe une expérience de la mort ? Lorsque nous mourons, nous n'avons plus conscience de rien, nous ne pouvons plus rien ressentir, il est donc impossible de faire l'expérience de la mort sachant que nous ne sommes plus là pour la constater. Si n'est expérience que ce qui a été vécu, la mort n'est jamais expérimentée. Nous ne pouvons pas "vivre" la mort, c'est complètement absurde.

La mort n'est que supposition

 Bien entendu, je vous expose ici ma vision sur la mort mais, comme toute personne en vie, je ne fais que des suppositions sur la mort. Personne ne peut dire que la mort est de telle ou telle façon. Les personnes ayant été touchées par la mort ne sont plus là pour nous l'expliquer, alors n'importe quel discours sur ce sujet ne peut être fondé sur de solides preuves rationnelles, c'est tout simplement impossible.

 En définitive, la mort reste et restera une équation insolvable. Alors pourquoi essayer de la comprendre sachant que nous ne la comprendrons jamais ? L'être humain cherche toujours à avoir des explications sur l'inconnu, mais parfois, il faut tout simplement se résigner au fait que certains problèmes ne pourront jamais être résolus.

Livres associés

  • Philocomix (BD), Jérôme Vermer, Jean-Philippe Thivet, Anne-Lise Combeaud
  • Les Essais, Michel de Montaigne
  • De la brièveté de la vie, Sénèque
  • Lettre à Ménécée, Épicure
  • Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus

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